COLLOQUE INTERDISCIPLINAIRE organisé par
LE COMITÉ d’ÉTHIQUE DU CNRS (COMETS)
les 8 et 9 janvier 2014
Sciences à « très grande échelle »
Tout est-il permis ?
Tout est-il bénéfique ?
La dynamique d’une recherche peut-elle nous échapper ?
colloqueCNRSprogramme
Nous avons été invités à ce colloque et une dizaine de membres de l’ACSEIPICA y ont assisté, en particulier à la conférence inaugurale et à l’exposé sur la géoingéniérie planétaire.
Voici notre compte-rendu:
Ambiguïté, voilà le maître mot de ce colloque.
Doit-on se désoler de ce que les scientifiques présents aient considéré nos interventions comme simplement dérangeantes, refusant d’aller plus loin sur la question ?
Ou se réjouir de voir Olivier Boucher encadré, ici par deux femmes d’ envergure philosophique : Bernadette Bensaude-Vincent et Amy Dahan, principales animatrices du colloque ? Toutes deux ont affirmé fermement leur refus de toute pratique de géoingéniérie de même que l’ensemble des femmes qui se sont exprimées dans cette assemblée de chercheurs; du côté des hommes, c’est plus mitigé, certains semblent séduits par la géoingéniérie. Mais la question des conséquences imprévisibles et irréversibles de ces plans « prométhéens » – le terme a été maintes fois prononcé –, ainsi que l’aspect multi-échelles du problème – de la cellule à la planète, en passant par nous- ont été bien abordées, ce qui a mis bien en lumière la folie qu’est la géoingéniérie dans son principe et interdit toute expérimentation.
Un exposé très bien documenté et s’accordant avec nos sources sur l’histoire de la géoingéniérie a été présenté par Amy Dahan.
Le seul ennui, bien sûr, c’est leur refus résolu d’entendre parler de ce qui se passe réellement dans le ciel. Nous avons même eu droit à la formule consacrée sur la condensation des avions de ligne par une personne du staff, au premier rang !
Dans l’ordre :
– Dominique Pestre, du CNRS, historien des sciences, directeur d’étude à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Conférence inaugurale: « Entre hubris[1] technologique, acteurs économiques et société civile. Quels rôle et place pour les scientifiques ? » Analyse de l’évolution du rapport sciences et politique depuis le 19e siècle : la science est devenue l’alter ego de l’état et une institution de référence ; elle en profite dans ses financements. Son autonomie est systématiquement dépendante de ses financeurs. La maîtrise des choses réside dans l’alliance du scientifique et du politique. Aujourd’hui nous sommes dans les effets durables de ce paradigme.
– L’une d’entre nous a pris la parole en premier dans l’assemblée et est rentrée dans le vif du sujet, assez maladroitement du point de vue des autres, car la tribune et beaucoup du public se sont sentis agressés d’entrée. Manque de breefing au départ ? Mais faut-il lui tenir rigueur d’avoir fait le premier pas dans ce milieu qui ne nous était qu’entr’ouvert ? Maintenant que c’est fait ce n’est pas la peine. Continuons à avancer.
– J’ai pensé qu’il fallait apporter des précisions et j’ai pris la parole en deuxième, énoncé notre nom complet, et demandé une première fois aux scientifiques d’aborder ce sujet avec une démarche scientifique. Il a fallu que j’insiste pour aller au bout de ma phrase car un brouhaha de protestation se levait.
– Intervention ensuite de Dominique Legluge, journaliste scientifique pour Sciences et Avenir à propos de la différence entre principe de précaution / d’innovation.
– Puis de Michel Spiro (directeur de l’IN2P3/CNRS et Délégué scientifique français au Conseil du CERN depuis 2003) – Puis Irène Hardy (de l’ACSEIPICA mais se présentant sous son étiquette Robin des Toits) ramène le sujet de l’actualité des manipulations atmosphériques.
– Michèle Leduc, physicienne, présidente du Comité d’Ethique du CNRS (le COMETS) aborde la question de l’intégrité scientifique et introduit :
– Amy Dahan (histoire des sciences, membre du COMETS) présente un exposé sur les rapports entre éthique, politique, épistémologie[2] ; la question climatique, la planète dans sa globalité. Souligne l’aspect à la fois spatial et temporel des grandes échelles dont il est question, c’est-à-dire les conséquences à très long terme des expériences de géoingéniérie.
– Norbert …, mathématicien, rêve d’une autorégulation permettant une harmonie entre la recherche scientifique et le bien-être humain. Fait remarquer que des pans entiers de la science échappent à toute régulation. Cite l’économie financière comme autre exemple de science à grande échelle.
– Dominique Pestre : le concept à la base de notre science est de devenir le maître de notre environnement ; c’est une approche prométhéenne du monde, intrinsèquement contradictoire. Il n’y a pas de synergie entre science et démocratie ; la science se pose au-dessus de la société. Les effets de la science nous mettent devant des ETATS DE FAITS.
– Pierre Joliot, professeur au collège de France – Gérard Toulouse, ENS, physicien
– Yann Canino, petit entrepreneur en chimie moléculaire aborde : principe d’innovation versus principe de précaution ; « le vulgat conspirationniste » ; perturbateurs endocriniens
– Exposé d’Olivier Boucher, climatologue, laboratoire de Métrologie dynamique présente les techniques de géoingéniérie : injection d’aérosols dans l’atmosphère pour la « Gestion du Rayonnement Solaire » (Solar Radiation Management – SRM) et la capture du CO2.
– J’aurai l’opportunité de poser la question : puisque l’on attribue à l’excès de CO2 la cause du réchauffement climatique, pourquoi créer un écran aux rayonnement solaire qui limite la transformation de ce gaz en oxygène par les végétaux ? Ce à quoi Olivier Boucher répondra que ce n’est pas important.
– Amy Dahan fait un point bien documenté sur l’histoire de la modification du climat faisant ressortir le rôle initiateur et prépondérant des militaires ; note un reflux de la contestation publique dans les années 60 ; dans les années 70, on s’inquiète davantage des effets de la pollution sur le climat ; le GIEC est créé en 1988.
Pour le SRM, elle cite entre autres : le Lawrence Livermore National Laboratory https://www.llnl.gov/, lié aux chercheurs en armement ; ce laboratoire proposait, en 1991, de créer un smog atmosphérique ; en 1992, de créer un bouclier solaire pour la planète.
Cite Ken Caldeira et David Keith (géoingénieurs) ainsi que Clive Hamilton qui dénonce la « mégalomanie technicienne » (mais nie la géoingéniérie en cours) et Paul Crutzen, chimiste, à l’origine du concept « d’anthropocène », qui dénonce avec vigueur depuis 2006 l’augmentation des pollutions, le caractère pseudo naturel de la météo et la dédramatisation du passage à la géoingéniérie.
Quel pourrait être le frein à la mise en œuvre de la géoingéniérie ? Rappel de la conférence de la Royal Society 2009, et suivantes, sous l’égide de John Shepherd, où la géoingéniérie est banalisée et présentée comme opportune. Les principes d’Oxford, élaborés à la conférence d’Asilomar en 2010 sous la houlette de Steve Rayner, établissent un premier cadre de gouvernance pour les pratiques de géoingéniérie. Voilà ce qu’Amy Dahan souligne par rapport aux 3 points de ces principes (compte tenu que ni elle, ni les auteurs de ces principes, ne reconnaissent la géoingéniérie en cours ; il s’agit pour eux d’expériences à réaliser ou non) :
– la géoingéniérie doit demeurer un bien public (mais la part du privé est acceptée)
– les conséquences sur les générations suivantes posent un dilemme de droit, voilà pourquoi cela ne doit pas être géré que par des privés.
– nécessité d’obtenir un consentement préalable des parties concernées.
– C’est un défi lancé aux us et aux croyances
– comment s’assurer de la transparence des résultats ?
– comment obtenir des expertises indépendantes sur les impacts ?
– gouvernance avant déploiement ; entre expérience à grande échelle et déploiement, où est la frontière ?
Pour conclure, les principes d’Oxford sont un effort louable et inédit mais ils écartent la possibilité de prohiber certaines recherches.
– Discussion ouverte par Bernadette Bensaude-Vincent : la géoingéniérie, comme la science moderne, n’est pas neutre : elle est mortifère (Michel Serre 1970) ; elle est liée à des enjeux militaires ; sa vision est prométhéenne. Soulève deux questions d’éthique :
– peut-on envisager des réponses humbles au problème du changement climatique
– c’est un situation typique d’incertitude : il faut en reconnaître les limites Cite l’appel d’Heibelberg en 1992 http://fr.wikipedia.org/wiki/Appel_d%27Heidelberg
DOIT-ON CONTINUER A VOULOIR DOMINER LA NATURE ?
– Domy Pélissier (ACSEIPICA) fait état de HAARP et de ses effets sur le climat.
– Daniel Hofnung (ACSEIPICA mais se présente seulement sous l’étiquette Ciel voilé) présente des analyses d’eau de pluie faisant état d’un fort taux de baryum
– autres interventions (je n’ai pas tout noté)
– A la fin de cette première session, j’ai pu remettre en main propre deux exemplaires de Case Orange à Amy Dahan et une autre personne (désolée je ne sais pas qui c’est) ainsi qu’un exemplaire du cours « chemtrails » de l’US Air Force à une 3e.
TABLE RONDE FINALE le jeudi 9 janvier à 16h
– M. Grange, professeur de biologie pense que si la géoingéniérie est une pratique prométhéenne et dangereuse, en revanche il n’en serait pas autant d’éradiquer un virus à l’échelle de la planète (à très grande échelle). Dis qu’il est important de connaître l’histoire.
– Modératrice : très grande échelle, c’est quand les mécanismes de régulation ne sont plus gérables.
– Michel Templio, géophysicien de Grenoble, membre du COMETS) ; son rayon c’est l’échlle planétaire, les risques naturels, les conséquences globales d’un séisme par exemple. Dis qu’on s’attend à la juste punition de notre attitude prométhéenne (connaît-il HAARP-note de Claire) ; qu’il faudra bien accepter des programmes désagréables parce que c’est trop tard pour l’attitude humble.
– Il est contredit par Amy Dahan.
– Danièle Boursier, juriste, a retenu :
– pas de synergie entre science et démocratie
– nous vivons dans un monde toxique
– « régulation »
– « le scientisme de l’innovation »
De son point de vue, la grande échelle, c’est le droit international. Elle souligne la différence entre le droit continental, préventif et le droit anglo-saxon, « common law » (on laisse faire et venir puis on gère) La démocratie s’arrête à l’entrée d’une multinationale pharmaceutique Appelle au partage des données scientifiques
– BILAN DES TROIS THEMATIQUES du colloque
1- Géoingéniérie : Bernadette Bensaude-Vincent
Le climat est déréglé, les molécules sont dégénérées. Notre rapport à l’Objet nous a amené dans une crise profondément anthropologique qui concerne notre rapport à la Nature. Devant la complexité croissante des objets, que faire ? Nécessité d’une approche systémique, considérant des individus en relation ; d’un modèle global, holistique, multi-échelles. Considérer les objets non comme outils mais comme partenaires, alliés, à respecter. Cite Primo Levi (chimie). Les plus petits objets : molécules, bactéries et les objets dangereux demandent notre respect.
2- Les substances chimiques : Mathias Girel
Cite « Golden holocaust », livre à sortir d’ici 2 mois.
3- Les bactéries résistantes: Norbert Schappacher, biologiste,
raconte la découverte des antibiotiques et le discours de Flemming : « il est extrêmement dangereux d’interrompre un traitement antibiotique car les bactéries ont l’opportunité de rebondir ». Il se dit choqué par la sérénité d’Olivier Boucher. Pour lui, la géoingéniérie serait une idée folle, mais pas les antibios …
– un intervenant parle de l’interaction de l’homme et du microbe (on a besoin de nos bons microbes) – un autre des insectes OGM, ingéniérés. Met en question la vieille logique selon laquelle la technique va régler les problèmes causés par la technique.
– Amy Dahan, répondant aux propos de Bernadette Bensaude-Vincent à propos du respect de l’objet d’expérience (les molécules …) : le vocabulaire moral est-il adapté ? Le véritable problème est le réchauffement climatique. A cette grande échelle, il y a hubris + prolifération.
– Une mathématicienne souligne les propos de Bernadette BV et insiste sur « penser multi-échelles ». C’est un problème de phénomènes non-linéaires ; tout dépend de tout avec des interactions inter-échelles. – Jacques Bordais parle du choix des sujets de recherche ; de la recherche sur les causes ; il faut éviter une fuite en avant.
– Un jeune parle de la science de la prévention
– Conclusion par Dominique Pestre : ce colloque fut un grand plaisir, bien que son constat est que : tout est noir, le siècle est toxique ; la salle entière est hostile aux propositions d’Olivier Boucher. « Tout dépend des récits qu’on construit et qu’on donne. »
Voici donc mon récit, que je vous donne ! Claire
Je rajouterai qu’une question a été posée à Olivier Boucher sur ce que font des pays comme l’Inde ou la Chine. Il a répondu que pour la Chine on sait puisqu’ils ont fait pleuvoir à 100 kms de Pékin au moment des JO. D’autre part, Bernadette Bensaude-Vincent, outre se demander si on peut envisager des réponses humbles au changement climatique, a fait remarquer l’échec du politique depuis Rio et se demande si les solutions techniques sont plus « secure ». Et enfin, sa question pertinente : Quelle posture voulons-nous adopter face à la nature ?
Personnellement, je n’ai pas été éblouie par Amy Dahan, elle a juste fait son boulot d’historienne des sciences en compilant tout ce qui a été fait depuis les années 40 et en citant les noms de tous ceux qui sont engagés dans les recherches sur la géoingénierie. Oui bien sûr, elle appelle un chat un chat et précise bien tous les programmes financés par les militaires, mais bon… pas de quoi se relever la nuit à mon sens.
Quant à Olivier Boucher, il a bien insisté sur les modèles, les expériences, rien de tout cela n’est mis en oeuvre. Lorsque Daniel Hofnung a fait remarquer que des quantités extrêmement élevées de baryum avaient été mesurées dans l’eau, il a répondu par l’étonnement, il n’était pas au courant. Sa conclusion : la géoingénierie est une petite partie des sciences du climat, elles se nourrissent l’une l’autre.
Voilà ce que j’ai noté. Domi R
[1] Chez les Grecs, tout ce qui, dans la conduite de l’homme, est considéré par les dieux comme démesure, orgueil, et devant appeler leur vengeance.
[2] Epistémologie : désigne soit le domaine de la philosophie des sciences qui étudie les sciences particulières, soit la théorie de la connaissance en général.